Parallèlement à son activité liée au spectacle vivant, La Filature, Scène nationale de Mulhouse s’engage en faveur de la création et de la diffusion des arts visuels depuis son ouverture en 1993. Équipée d’une Galerie de 300m², elle la dédie à la photographie en 1996. La production d’expositions, l’accueil d’artistes en résidence et la formation des publics lui permettent de s’affirmer à la fois comme un relai institutionnel entre les artistes et le public, un acteur économique de la vie artistique et un véritable partenaire culturel de nombreux lieux de promotion de l’art contemporain. Bilan chiffré des 27 saisons employées à construire un projet autour de la photographie : 132 expositions (61 monographiques, 49 collectives, 23 en duo), 22 résidences de création, 411 artistes invité·es (199 français·es dont 62 résidant dans la région Grand Est, 212 étranger·ères dont 88 frontalier·ères suisse·sses et allemand·es). Le bilan est important mais ne résume évidemment pas l’aventure.
Long fleuve parfois formé de cataractes, la vie de la Galerie est avant tout une histoire de relations. En premier lieu entre les différentes disciplines qui se croisent à La Filature : le théâtre, la danse, la musique, l’opéra, le cirque, les arts visuels. Comme toute Scène nationale diffusant des expositions photographiques, La Filature offre sans cesse aux publics matière à interroger les rapports entre images mises en espace en galerie et images mises en scène au plateau.
Son histoire est aussi celle des relations qu’elle noue avec ses partenaires, en particulier ceux·celles géographiquement les plus proches qui permettent les échanges les plus assidus. La Filature articule depuis 28 ans son programme d’expositions aux projets des photographes, galeristes, acteur·rices des centres artistiques et culturels, curateur·rices, éditeur·rices, artisan·es, enseignant·es et étudiant·es en art qui ponctuent d’événements marquants pour Mulhouse la longue histoire que la ville entretient avec la photographie (Adolphe Braun, photographe français parmi les plus influents du XIXe siècle, y installe son atelier en 1848). Elle participe au rayonnement de la photographie dans la continuité du travail engagé et mené par Paul Kanitzer pendant de nombreuses années dans la ville ou encore aux côtés de la Biennale de la Photographie de Mulhouse portée par l’association L’Agrandisseur. La Galerie de La Filature est membre de Plan d’Est – Pôle arts visuels en Région Grand Est et de La Regionale, coopération transfrontalière de dix-neuf institutions en Alsace, dans le Land de Bade en Allemagne et en Suisse du Nord-Ouest.
Les résidences d’artistes sont tout particulièrement favorables à des échanges nourris. À ce jour, plus de vingt photographes ont été invité·es à produire des images en région. Leurs travaux témoignent à la fois des différents modes d’expression dans le domaine des arts visuels et de la diversité du territoire. Parmi les artistes résident·es des dix dernières années, on peut rappeler : Denis Darzacq qui a réalisé une série de portraits et de paysages sur le site du Hartmannswillerkopf, lieu de mémoire de la Grande Guerre, pour son projet Comme un seul homme ; Martin Parr, venu poser son regard aigu sur le quartier populaire et métissé de la Cité-Briand et ses « carrés mulhousiens », maisonnettes mitoyennes avec petits jardins imaginées par les industriels au XIXe siècle autour des grands sites de production textile ; SMITH qui a produit une série d’images thermographiques sur des sites naturels en Alsace pour l’exposition Désidération (Anamanda Sîn) présentée aux Rencontres d’Arles en 2021 puis à La Filature à l’été 2022 ; Aglaé Bory, Léa Crespi et Franck Christen qui ont chacun·e réalisé des portraits de Mulhousien·nes au sortir des confinements liés à la crise du COVID-19, exposés dans la ville à l’été 2021 ; Stephen Dock à l’ancienne maison d’arrêt de Mulhouse quelques mois après sa fermeture et le transfèrement de ses détenus en novembre 2021. Bien que ses missions ne l’engagent pas à développer de l’édition, la Scène nationale a régulièrement soutenu des artistes dans leurs projets de livres. Elle a notamment participé aux publications L’Europe du silence de Stéphane Duroy (Éditions Filigranes, 1999), Tanz Party de Caroline Hayeur (Éditions de la Nuée bleue, 2002), Tavastia de Christophe Bourguedieu (Le Point du Jour-Centre d’Art Éditeur, 2002), On dirait le Sud de Bernard Plossu (Médiapop Éditions, 2014), Nuit américaine de Julien Magre et Laure Vasconi (La Filature, Scène nationale, 2014), A Taste for Mulhouse de Martin Parr (Médiapop Éditions, 2016), Les Gorgan de Mathieu Pernot (Xavier Barral Éditions, 2017), Rose Sarajevo de Marianne Marić (Médiapop Éditions, 2017), Le temps s’enfuit sans disparaître de Cassandre Fournet, Emmanuel Henninger, Iva Šintić et Gaëtane Verbruggen, conception graphique Julie Wittich (La Filature, Scène nationale, 2021) et 36 de Stephen Dock (Médiapop Éditions, 2022). Chacune des images publiées ramène à notre mémoire les souvenirs d’une rencontre avec un·e artiste – passagère, cordiale, affective, amusante.